En relisant "Cherokee" de Jean Echenoz
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En relisant "Cherokee" de Jean Echenoz
C'est un roman de 1983, édité aux Editions de Minuit.
Voilà un temps certain que Fred a emprunté à Georges « une interprétation très peu courante de Cherokee » et ne lui a jamais rendu… A la dernière page du roman Fred servant de chauffeur à Georges « se pencha, retira du vide-poches l’étui plat d’une bande magnétique qu’il glissa dans un lecteur, et de quatre haut-parleurs dissimulés dans les portières fusèrent les premières mesures de Cherokee » …
« Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? »
Remarque : Fred a pour nom Shapiro et un certain Shapiro est éditeur de Cherokee avec un certain Bernstein.
Chez Echenoz les patronymes sont rarement innocents.
Voilà un temps certain que Fred a emprunté à Georges « une interprétation très peu courante de Cherokee » et ne lui a jamais rendu… A la dernière page du roman Fred servant de chauffeur à Georges « se pencha, retira du vide-poches l’étui plat d’une bande magnétique qu’il glissa dans un lecteur, et de quatre haut-parleurs dissimulés dans les portières fusèrent les premières mesures de Cherokee » …
« Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? »
Remarque : Fred a pour nom Shapiro et un certain Shapiro est éditeur de Cherokee avec un certain Bernstein.
Chez Echenoz les patronymes sont rarement innocents.
sisyphe- Messages : 175
Date d'inscription : 31/12/2008
Re: En relisant "Cherokee" de Jean Echenoz
« Le 14 juillet 83.
Cher Jean Echenoz,
A côté des énigmes nombreuses et saugrenues qui s'entrelacent dans ton Cherokee, le vrai mystère de ce bouquin, c'est qu'il tient debout et qu'il est passionnant et drôle. On ne sait pas pourquoi. Car enfin ce n'est qu'un amas de déchets, comme sont tous les romans contemporains, et Cherokee est un amas de déchets spécialement hétéroclites et qui devraient se détruire les uns les autres. Ce "méta-polar" référentiel, cette frénésie de descriptions "objectales", cette débauche d'allusions qui fait du Faucon maltais un perroquet débagoulant et latiniste, cent autres références discrètes, et puis cette écriture outrageusement précieuse et qui rit d'elle-même et de la misère de sa propre préciosité - tout ce bordel devrait être, au bout du compte, une autodestruction et un ratage, un sommet de l'effondrement. Or non. Ça tient. D'une manière antiphysique : comme un château de cartes qui serait une brique. Tu me mets dans la perplexité, mais dans la perplexité enthousiaste. La seule chose que j'ai comprise, c'est le titre, mais ce Cherokee qui devient Koko, c'est une affaire qui ne regarde que nous, et ton perroquet délirant, et l'ombre de Charlie Parker. Au total je suis épaté car c'est épatant.»
Jean-Patrick Manchette.
dans Jazz sur son 31, bulletin de la librairie Ombre Blanche Toulouse
Cher Jean Echenoz,
A côté des énigmes nombreuses et saugrenues qui s'entrelacent dans ton Cherokee, le vrai mystère de ce bouquin, c'est qu'il tient debout et qu'il est passionnant et drôle. On ne sait pas pourquoi. Car enfin ce n'est qu'un amas de déchets, comme sont tous les romans contemporains, et Cherokee est un amas de déchets spécialement hétéroclites et qui devraient se détruire les uns les autres. Ce "méta-polar" référentiel, cette frénésie de descriptions "objectales", cette débauche d'allusions qui fait du Faucon maltais un perroquet débagoulant et latiniste, cent autres références discrètes, et puis cette écriture outrageusement précieuse et qui rit d'elle-même et de la misère de sa propre préciosité - tout ce bordel devrait être, au bout du compte, une autodestruction et un ratage, un sommet de l'effondrement. Or non. Ça tient. D'une manière antiphysique : comme un château de cartes qui serait une brique. Tu me mets dans la perplexité, mais dans la perplexité enthousiaste. La seule chose que j'ai comprise, c'est le titre, mais ce Cherokee qui devient Koko, c'est une affaire qui ne regarde que nous, et ton perroquet délirant, et l'ombre de Charlie Parker. Au total je suis épaté car c'est épatant.»
Jean-Patrick Manchette.
dans Jazz sur son 31, bulletin de la librairie Ombre Blanche Toulouse
sisyphe- Messages : 175
Date d'inscription : 31/12/2008
Re: En relisant "Cherokee" de Jean Echenoz
2 - "Les 100 meilleurs morceaux de jazz" par Jazz Magazine
"Koko" - Charlie Parker [Quintessence, vol 1]. Pour sa première séance réalisée pour Savoy, les musiciens pressentis par le Bird sont Miles Davis, Curley Russel, et Max Roach. Bud Powell est introuvable et aura deux remplaçants: Argonne Thornton (Sadik Hakim) et Dizzy Gillespie. On ne saura jamais vraiment qui tient véritablement la partie de piano. Ce que l'on sait, c'est que le jeune Miles est intimidé par la complexité des unissons, et que Dizzy prend sa place à la trompette. Sur Koko, bâti sur les accords de Cherokee, Parker prend deux solos à un tempo très rapide, séparés par un break de batterie, qui portent la marque de son génie d'improvisateur, tant par sa logique, ses fulgurances vertigineuses et son invention rythmique. Ce style d'interprétation en petite formation deviendra LA référence bop du jazz moderne. GR - LES 100 MEILLEURS MORCEAUX DE JAZZ (JAZZ MAGAZINE
"Koko" - Charlie Parker [Quintessence, vol 1]. Pour sa première séance réalisée pour Savoy, les musiciens pressentis par le Bird sont Miles Davis, Curley Russel, et Max Roach. Bud Powell est introuvable et aura deux remplaçants: Argonne Thornton (Sadik Hakim) et Dizzy Gillespie. On ne saura jamais vraiment qui tient véritablement la partie de piano. Ce que l'on sait, c'est que le jeune Miles est intimidé par la complexité des unissons, et que Dizzy prend sa place à la trompette. Sur Koko, bâti sur les accords de Cherokee, Parker prend deux solos à un tempo très rapide, séparés par un break de batterie, qui portent la marque de son génie d'improvisateur, tant par sa logique, ses fulgurances vertigineuses et son invention rythmique. Ce style d'interprétation en petite formation deviendra LA référence bop du jazz moderne. GR - LES 100 MEILLEURS MORCEAUX DE JAZZ (JAZZ MAGAZINE
sisyphe- Messages : 175
Date d'inscription : 31/12/2008
reKoko
Ne pas confondre le Koko de Pärker avec Ko-Ko de Duke Ellington (composition pour Big Band)
Découvrez Charlie Parker!
Découvrez Charlie Parker!
Re: En relisant "Cherokee" de Jean Echenoz
« La grande séance, celle vers laquelle le bop s’acheminait depuis longtemps, eut lieu le 26 novembre 1945 sur l’initiative du Savoy… Koko, pris sur tempo insensé, est un démarquage de Cherokee, qui entrait finalement dans l’histoire, en venant d’aussi loin que la maison d’Olive Street à travers le Minton, le Savoy, l’Apollo et les tournées…. Koko, tendu, agressif, affirmé, exemple de virtuosité ahurissante : soixante-quatre mesures sur des harmonies difficiles, une manière définitive et péremptoire de jouer du saxophone. Assez en tout cas pour décourager es collègues ! Mais Koko n’est pas le genre de musique que l’on a envie d’écouter souvent : elle dérange, un peu comme certaines œuvres de Schoenberg… » Extrait de la biographie de Charlie Parker par Ross Russel : « Bird lives »(page 214 et 215 du n° 2596 de la collection de poche 10/18)
« Un soir je travaillais Cherokee, et j’ai remarqué qu’en utilisant les intervalles supérieurs d’un accord comme ligne mélodique et en les soutenant par des accords de passage appropriés, j’étais capable de jouer ce que j’entendais. Je naissais » Charlie Parker
« Un soir je travaillais Cherokee, et j’ai remarqué qu’en utilisant les intervalles supérieurs d’un accord comme ligne mélodique et en les soutenant par des accords de passage appropriés, j’étais capable de jouer ce que j’entendais. Je naissais » Charlie Parker
sisyphe- Messages : 175
Date d'inscription : 31/12/2008
Re: En relisant "Cherokee" de Jean Echenoz
Voilà un trio bien sympa. C'est page 26.
« Fred tua le quart d’heure qui restait devant les vitrines des magasins de musique, rue de Rome. Il y avait des vents, des peaux, des cordes, des panoplies de saxophones rangés par ordre décroissant comme des outils, et puis un piano dans le fond, un crapaud coréen. Jeune, Fred avait étudié le piano, puis l’avait assez pratiqué pour pouvoir développer des thèmes repiqués sur des disques, des choses de Ray Bryant, de Junior Mance, de Bobby Timmons, des choses comme ça. Georges l’accompagnait sur une guitare amplifié tant bien que mal, formant surtout des lignes de basse sur les quatre cordes graves de l’instrument, puis il avait trouvé un batteur dont les parents possédaient un garage isolé dans lequel ils installèrent un vieux Bösendorfer de location. Le batteur était petit, nerveux, râblé, avec des moustaches fines, presque transparentes. Il parlait peu. On avait toujours l’impression qu’il allait vous casser la figure. »
La rue de Rome est particulièrement affectionnée par Jean Echenoz.
« Fred tua le quart d’heure qui restait devant les vitrines des magasins de musique, rue de Rome. Il y avait des vents, des peaux, des cordes, des panoplies de saxophones rangés par ordre décroissant comme des outils, et puis un piano dans le fond, un crapaud coréen. Jeune, Fred avait étudié le piano, puis l’avait assez pratiqué pour pouvoir développer des thèmes repiqués sur des disques, des choses de Ray Bryant, de Junior Mance, de Bobby Timmons, des choses comme ça. Georges l’accompagnait sur une guitare amplifié tant bien que mal, formant surtout des lignes de basse sur les quatre cordes graves de l’instrument, puis il avait trouvé un batteur dont les parents possédaient un garage isolé dans lequel ils installèrent un vieux Bösendorfer de location. Le batteur était petit, nerveux, râblé, avec des moustaches fines, presque transparentes. Il parlait peu. On avait toujours l’impression qu’il allait vous casser la figure. »
La rue de Rome est particulièrement affectionnée par Jean Echenoz.
sisyphe- Messages : 175
Date d'inscription : 31/12/2008
Re: En relisant "Cherokee" de Jean Echenoz
Autre trio genre « Pieds Nickelés ». Cette fois au chapitre 26 :
Georges Chave à la contrebasse que précédemment « il entreprit d’accorder en s’aidant du téléphone, la tonalité pour diapason ».
Crocognan au saxhorn qu’il vient de passer au Miror.
« Et toute la journée fut consacrée à mettre en place l’exposition de What’s new, debout l’un en face de l’autre devant la fenêtre. »
Arrive un troisième qui s’associe à l’orchestre « roulant deux branches taillées sur une valise vide couverte d’un journal…C’était un trio presque orthodoxe ».
Georges Chave à la contrebasse que précédemment « il entreprit d’accorder en s’aidant du téléphone, la tonalité pour diapason ».
Crocognan au saxhorn qu’il vient de passer au Miror.
« Et toute la journée fut consacrée à mettre en place l’exposition de What’s new, debout l’un en face de l’autre devant la fenêtre. »
Arrive un troisième qui s’associe à l’orchestre « roulant deux branches taillées sur une valise vide couverte d’un journal…C’était un trio presque orthodoxe ».
sisyphe- Messages : 175
Date d'inscription : 31/12/2008
Re: En relisant "Cherokee" de Jean Echenoz
- Chapitres 30 et 31. Le transistor allumé.
« Il…alla ouvrir un grand placard profond à l’autre bout de la pièce, sur un côté duquel se superposaient des tiroirs. Fred déposa son revolver dans l’un, tira d’un autre une bouteille de bourbon Barclay et deux verres, d’un troisième un tout petit transistor noir et gris de fabrication japonaise, avec un gros bouton rouge vif sur le dessus. Il emplit les verres, se cala sur un tabouret, dos au mur, posa les verres sur le sol et les désigna à Georges d’un mouvement du menton tout en bricolant le petit poste qui se mit à diffuser du piano, plus précisément Sweet and lovely par le trio Wynton Kelly… »…
Discussion « Mais il se ressaisit, refit les niveaux des verres et mit une sourdine au piano, qui n’était pas celui de Wynton Kelly mais de Ronel Bright ».
Suite de la discussion coups de feux multiples… « sauf que c’était Barry Harris qui jouait maintenant dans le poste… » … poursuite des coups de feu… « Une voix détendue sortit du poste pour indiquer qu’on venait d’entendre du Kenny Drew et qu’on allait écouter du Freddie Red… » Le bruit couvre « impitoyablement les accords introductifs de Jim Dunn’s dilemma. ». Enfin au bout du compte Fred se refugie à l’intérieur d’un placard « avec un peu de Sonny Clark très assourdi, le transistor s’étant jeté comme tout le monde à plat baffle au plus fort de la panique »….
« Une ampoule ballait à très faible amplitude au bout de son fil, faisait trembler les ombres des personnes qui se tenaient encore là sans rien dire, comme si elles écoutaient enfin vraiment cet air triste que jouait à présent Lou Levy. L’émission devait être consacrée aux continuateurs de Bud Powell. Elle n’était pas mal composée, pensa Georges, quoiqu’ils n’eussent pas dû négliger Walter Davis »
Et tout ça dans une sacristie. Voilà au moins un poste qui sait ce qu’il veut.
« Il…alla ouvrir un grand placard profond à l’autre bout de la pièce, sur un côté duquel se superposaient des tiroirs. Fred déposa son revolver dans l’un, tira d’un autre une bouteille de bourbon Barclay et deux verres, d’un troisième un tout petit transistor noir et gris de fabrication japonaise, avec un gros bouton rouge vif sur le dessus. Il emplit les verres, se cala sur un tabouret, dos au mur, posa les verres sur le sol et les désigna à Georges d’un mouvement du menton tout en bricolant le petit poste qui se mit à diffuser du piano, plus précisément Sweet and lovely par le trio Wynton Kelly… »…
Discussion « Mais il se ressaisit, refit les niveaux des verres et mit une sourdine au piano, qui n’était pas celui de Wynton Kelly mais de Ronel Bright ».
Suite de la discussion coups de feux multiples… « sauf que c’était Barry Harris qui jouait maintenant dans le poste… » … poursuite des coups de feu… « Une voix détendue sortit du poste pour indiquer qu’on venait d’entendre du Kenny Drew et qu’on allait écouter du Freddie Red… » Le bruit couvre « impitoyablement les accords introductifs de Jim Dunn’s dilemma. ». Enfin au bout du compte Fred se refugie à l’intérieur d’un placard « avec un peu de Sonny Clark très assourdi, le transistor s’étant jeté comme tout le monde à plat baffle au plus fort de la panique »….
« Une ampoule ballait à très faible amplitude au bout de son fil, faisait trembler les ombres des personnes qui se tenaient encore là sans rien dire, comme si elles écoutaient enfin vraiment cet air triste que jouait à présent Lou Levy. L’émission devait être consacrée aux continuateurs de Bud Powell. Elle n’était pas mal composée, pensa Georges, quoiqu’ils n’eussent pas dû négliger Walter Davis »
Et tout ça dans une sacristie. Voilà au moins un poste qui sait ce qu’il veut.
sisyphe- Messages : 175
Date d'inscription : 31/12/2008
Re Transistor Allumé
Beaucoup de piano , donc,mais pas de traces de Sweet and Lovely par Wynton Kelly...
Découvrez Kenny Drew Trio!
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Re: En relisant "Cherokee" de Jean Echenoz
Discussion « Mais il se ressaisit, refit les niveaux des verres et mit une sourdine au piano, qui n’était pas celui de Wynton Kelly mais de Ronel Bright ».
sisyphe- Messages : 175
Date d'inscription : 31/12/2008
Re: En relisant "Cherokee" de Jean Echenoz
468 disques
« C’était deux pièces sombres que Georges occupait au deuxième étage, elles donnaient sur une sorte de puits. Un mur entier de l’une d’elles était occupé par des disques, quatre cent soixante-huit disques au juste, principalement de la musique de jazz enregistrée entre 1940 et 1970, comprenant la quasi- totalité des catalogues Prestige et Riverside, l’essentiel de la maison Blue Note, un échantillonnage complet des productions des autres firmes, et tous ceux que Georges avait achetés en Hollande, commandés en Suède, et les enregistrements pirates, les imports japonais, et aussi des disques de marques inconnues, enregistrés dans des cuisines, aux pochettes façonnées à la main, qu’expédiait à Georges un ami américain. » page 14
« C’était deux pièces sombres que Georges occupait au deuxième étage, elles donnaient sur une sorte de puits. Un mur entier de l’une d’elles était occupé par des disques, quatre cent soixante-huit disques au juste, principalement de la musique de jazz enregistrée entre 1940 et 1970, comprenant la quasi- totalité des catalogues Prestige et Riverside, l’essentiel de la maison Blue Note, un échantillonnage complet des productions des autres firmes, et tous ceux que Georges avait achetés en Hollande, commandés en Suède, et les enregistrements pirates, les imports japonais, et aussi des disques de marques inconnues, enregistrés dans des cuisines, aux pochettes façonnées à la main, qu’expédiait à Georges un ami américain. » page 14
sisyphe- Messages : 175
Date d'inscription : 31/12/2008
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